Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Twitter et la politique : sont-ils incompatibles ?

Depuis peu de temps, Twitter est devenu un important outil de communication politique pour nos élus. Il permet à un grand nombre de nos représentants de se faire connaître et donne la possibilité de créer un lien immédiat avec les citoyens, qui peuvent réagir en direct. Ce sont les Américains qui sont à l'origine de cette nouvelle pratique politique : durant la campagne présidentielle de 2012, Barack Obama et Mitt Romney ont tous deux utilisé Twitter, afin d'élargir leur nombre d’auditeurs. Pourtant, l'utilisation de Twitter chez les élus français reste semée de polémiques et de couacs.

Qui ne se souvient pas de cette première controverse qui a suivi l’élection de François Hollande ? Rappelez-vous : Valérie Trierweiler, désormais première dame de France, avait tweeté pour soutenir le candidat dissident Olivier Falorni, rival de Ségolène Royal (ex-compagne du chef de l’Etat) aux élections législatives. Cet événement amenait de nouvelles questions à propos du rôle de la première dame de France, mais aussi sur l'utilisation des réseaux sociaux par les personnalités représentant la République.

« Courage à Olivier Falorni qui n'a pas démérité, qui se bat aux côtés des rochelais depuis tant d'années dans un engagement désintéressé » (pour un article plus détaillé, cliquez ici).

Autre exemple : au mois de juin dernier, le tweet raciste du député UMP Jean-Sébastien Vialatte a provoqué un tollé général. Ce dernier comparait les casseurs de la célébration de la victoire du PSG à des descendants d’esclave :

« Les casseurs sont certainement des descendants d’esclaves, ils ont des excuses. Taubira va leur donner compensation ! » (pour plus de précisions, rendez-vous sur cet article du Monde)

Face à l’indignation de plusieurs associations, notamment la Fondation du mémorial contre la traite des noirs, le député a par la suite expliqué regretter ses propos et s’est excusé auprès de l’opinion publique : « Mes propos étaient malheureux, c'était un raccourci regrettable. Je leur ai montré [à la Fondation] que j'étais le contraire d'un raciste ». Nouvelle question : les propos tenus sur Twitter relèvent-ils de l'immunité parlementaire ? Rappelons que nos représentants au Parlement ont une immunité de parole qui n'est valable que lorsqu'ils agissent dans le cadre de leur fonction. La difficulté réside donc dans la définition du cadre même de leur fonction. Néanmoins, ne peut-on pas considérer Twitter comme un « loisir » ? Le compte a été créé par le député lui-même, et non par une équipe de communication politique. Ainsi, les parlementaires ne devraient pas bénéficier d'une quelconque immunité sur Twitter, dans la mesure où c'est eux personnellement qui créent et contrôlent leurs comptes.

Plus récemment encore, un tweet du conjoint de Cécile Duflot, Xavier Cantat, a suscité une nouvelle polémique (plus de détails dans cet article de La Voix du Nord). Ce dernier exprimait sa fierté de boycotter le défilé du 14 juillet, auquel il était invité : « Fier que la chaise à mon nom reste vide au défilé de bottes des Champs Élysées ». Ce message laissé sur le réseau a valu à la ministre un torrent de réactions, plus ou moins virulentes selon les étiquettes politiques. Au-delà de l'indignation que cela a provoqué chez certains, cet incident soulève la question de l'attitude du conjoint d'une ou d'un ministre dans la vie publique.

Alors, à l'heure des nouvelles technologies et du nombre grandissant de citoyens sur les réseaux sociaux, on peut se demander si ces espaces publics d'expression sont compatibles avec la fonction d'élu. Quels comportements doivent-être adoptés ? Comment éviter les dérives ? Faut-il aller jusqu'à l'interdiction de Twitter pour la classe politique ? Nous nous proposons ici de répondre à ces questions.

A) Réseaux sociaux et comportement des élus

Twitter et la vie des élus sont-ils compatibles ? Bien évidemment, la réponse à cette question repose sur un équilibre entre vie privée et vie « publique », et sur une méfiance peut-être plus poussée en ce qui concerne les messages postés. On ne peut empêcher un élu de s'exprimer ; mais un élu, ou une personne qui est en lien direct avec l'image de la République ou du gouvernement se doit de tenir des propos décents, et ce même sur internet. Cela permettrait d'abord d'éviter les polémiques et les débats inutiles sur la vie privée de nos élus. Les citoyens attendent autre chose de la première dame de France que des vieilles rancœurs amoureuses. Par ailleurs, il nous semble judicieux de rappeler qu'en aucun cas la vie privée de quiconque ne devrait intervenir dans un débat politique.

Revenons sur le tweet du conjoint de Cécile Duflot : la meilleure réponse apportée à cet événement revient sans aucun doute à Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l'Etat : « Il fait ce qu'il veut, il dit ce qu'il veut mais c'est toujours un problème lorsqu'on est sous un projecteur malgré soi (…) On ne peut pas imposer un droit de réserve aux compagnons de ministre. En revanche, c'est à eux de trouver leurs propres règles. Il n'y a pas de loi qui puisse dire ça mais ils doivent savoir que la position de leur conjoint ou de leur compagnon leur enlève peut-être un peu de liberté. C'est ça la difficulté, ce n'est pas juste, mais c'est un fait ». Sage réponse, qui peut se résumer plus simplement encore : les conjoints d'élus se doivent d'éviter de ternir les symboles, les institutions et les événements de la vie politique. Après tout, un mandat est limité dans le temps ; la liberté d'expression n'est restreinte que temporairement.

B) Une plus grande méfiance envers Twitter est souhaitable

Benoît Raphaël, fondateur de réseaux sociaux, distingue deux sortes d'utilisation de Twitter par les politiciens et les politiciennes :

  • La manière minimale, qui consiste simplement à donner les heures d'interview, les passages télévisés, les emplois du temps, et parfois des phrases issues de discours. Dans ce premier cas de figure, le réseau est utilisé purement de manière communicationnelle. On retrouve dans cette catégorie Eva Joly, Laurent Fabius, François Fillon et Jean-François Copé par exemple.

  • L'usage plus personnalisé : les élus publient des éléments beaucoup plus personnels qui touchent souvent à leur vie privée. Cela donne alors une plus-value au discours politique car cela donne l'impression d'une proximité plus importante avec les citoyens. Parmi ces personnes, on retrouve Cécile Duflot, Nathalie Kosciusko-Morizet ou Benoît Hamon.

Twitter est devenu un outil de premier plan pour accomplir deux objectifs : faire connaître ses idées et entretenir une interaction importante avec le grand public. Cependant, c'est aussi une arme à double tranchant : cela laisse la porte ouverte à la réaction spontanée. Les élus ne contrôlent pas toujours les effets de leurs tweets, comme par exemple celui du député Vialatte, qui sur un coup de colère a laissé un post inacceptable. De surcroît, les dérapages de ce genre sont très rapidement relayés par les médias : ces derniers surveillent en permanence le réseau et les commentaires. Il est déjà arrivé que des informations soient publiées sur Twitter avant même qu'Agence France Presse (AFP) ne soit au courant. La rumeur court que Delphine Batho aurait appris sa convocation précédent son renvoi sur … Twitter. Quoi qu'il en soit, nos politiques devraient se montrer plus méfiants.

La limite du nombre de caractères (140) favorise la décontextualisation des paroles, ce qui fait primer le choc de l'effet d'annonce sur l'analyse de fond. Ainsi, cela déclenche des ambiguïtés car certains propos, sortis de leur contexte, semblent plus acerbes et/ou plus choquants. Les tweets accroissent la logique d'atomisation de l'information : cette dernière est parfois mal comprise, mal interprétée ou mal relayée.

C) Faut-il interdire Twitter ?

C'est une question qui peut faire polémique, et pourtant il existe des solutions beaucoup moins radicales. En Allemagne par exemple, les parlementaires ont décidé de débattre de l'interdiction de Twitter au Bundestag, afin d'anticiper les incidents. En France, Henri Guaino, député UMP des Yvelines, a proposé récemment sur Europe 1 d'interdire formellement ce réseau social aux « hommes publics ». Dans ce cas, si « Twitter rend fou » (comme il aime le dire à quiconque veut l'entendre), on se demande pourquoi l'ancienne plume de N. Sarkozy a lui aussi un compte Twitter régulièrement alimenté … (pour ceux que cela intéresse, allez sur : @Henri_Guaino).

Pour Arnaud Mercier, professeur de marketing politique à l'Université de Lorraine, « l'interdiction d'un support d'expression serait une hérésie démocratique (...) Twitter ne rend pas fou mais peut rendre moins prudent ». L'enseignant parle aussi « d'absence de réflexion sur les conséquences d'un tweet ». Nous ne pouvons qu'être du même avis que lui. S'il n'existe pas encore de système de régulation pour cette pratique nouvelle, nous souhaitons proposer une idée. L'idée d'une charte d'utilisation de Twitter, accompagnée d'un code de conduite, et qui serait signé par tous les personnages publics ou à grande visibilité, nous semble raisonnable. Cela concernerait les maires des grandes villes, les députés et les sénateurs, les ministres et leurs conjoints, le chef du gouvernement et le chef de l'Etat. Cette charte prendrait la forme d'un règlement, qui engendrerait des sanctions : on peut imaginer un système d'amende, qui irait jusqu'à la fermeture du compte si les abus devenaient trop nombreux. Cela permettrait alors de résoudre plusieurs problèmes : les personnes représentant la République auraient consciences de leur responsabilité sur ce qu'elles écrivent sur internet. Le cas échéant, elles pourraient en répondre devant la loi. Ainsi il n'y aurait plus de doute quant à l'immunité des députés sur ce réseau social, et cela mettrait fin à bien des polémiques inutiles dont les médias raffolent.

Article rédigé par Séverin SCHNEPP

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :