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Le vote blanc : une nécessaire évolution pour la France

Au second tour des élections présidentielles de 2012, 37 016 309 personnes ont décidées d’aller voter, sur 46 066 307 inscrits (c’est-à-dire les personnes majeures disposant d’une carte électorale). Le taux de participation à l’élection était de 80,35 %, soit 19,65 % qui se sont abstenus, ce qui représente plus de neuf millions de citoyens (9 049 998 exactement, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur). Les personnes qui ont voté blanc ou nul représentaient 5,82 % de l’électorat soit plus de deux millions de personnes. Au final, si l’on regroupe les abstentionnistes et les personnes qui ont voté blanc ou nul, 30 % des électeurs n’ont pas été entendus. Ne généralisons pas : dans la part des abstentionnistes, il y a des personnes qui ne s’intéressent pas à la vie politique ou qui refusent de voter pour une raison quelconque. Mais qui peut nier que de plus en plus de personnes sont dégoûtées de la vie politique ? Selon un sondage Opinionway d’avril 2013, 36 % des Français confient avoir du dégoût pour la politique et 32 % de la méfiance pour les hommes politiques.

Il est clair que la comptabilisation du vote blanc n’enrayera pas la déliquescence du système politique, et n’est pas la solution à tous les maux de la France. Mais cela peut être un moyen pour revenir à la source même de la politique : l’écoute du peuple. Le vote blanc est un élément républicain capital, qui représente autant un choix démocratique qu’un vote en faveur d’un candidat : c’est la possibilité de refuser le choix imposé, de contester les candidats et leurs programmes. Le droit de vote doit évoluer à nouveau, pour donner aux électeurs la possibilité de ne plus être soumis totalement aux choix que l’on leur impose, et pour leur redonner espoir dans la vie politique.

Voter blanc signifie tout simplement ne pas donner sa voix à un des candidats de l’élection. Le bulletin est dépourvu de tout nom de candidat. Cette pratique permet au citoyen de s’exprimer indirectement : les choix proposés ne lui conviennent pas, mais il participe tout de même au scrutin.

Il ne faut pas confondre vote blanc et vote nul. Le vote nul est le résultat d’une erreur de manipulation. On parle de vote nul lorsqu’un bulletin est déchiré, lorsque la personne a écrit dessus, ou bien quand l’enveloppe est vide par exemple. Il arrive parfois que l’erreur de manipulation soit volontaire : lors des élections législatives partielles de la troisième circonscription Lot-et-Garonne le 23 juin 2013, des électeurs contre le front national ont griffonnés des croix gammées sur des bulletins du FN. D’une part, les votes étaient considérés comme nuls car raturés, et d’autre part les électeurs ont exprimé directement leur opposition au parti et au candidat Etienne Bousquet-Cassagne (FN).

Enfin, il faut distinguer l’abstention, qui est clairement l’action de ne pas participer au vote. Elle est généralement interprétée comme un désintérêt total de la vie politique. Ces dernières années, l’abstention a pris une nouvelle symbolique : les citoyens ne votent plus, pour montrer leur désaccord avec la vie politique en général. Cela provient d’une déception de plus en plus forte et d’un manque d’espoir et de confiance dans le système politique. Pour résumer simplement : Pourquoi voter si au final rien ne change ? Malheureusement, l’abstention est trop souvent interprétée comme un refus de participer au scrutin, un désintérêt, et non comme une manière de contester la vie politique.

L’article L.66 du code électoral confond totalement vote blanc et vote nul : « Les bulletins blancs, ceux ne contenant pas une désignation suffisante ou dans lesquels les votants se sont fait connaître, les bulletins trouvés dans l’urne sans enveloppe ou dans des enveloppes non réglementaires, les bulletins écrits sur papier de couleur, les bulletins ou enveloppes portant des signes intérieurs ou extérieurs de reconnaissance, les bulletins ou enveloppes portant des mentions injurieuses pour les candidats ou pour des tiers n’entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement. »

N’est-ce pas maquiller la réalité électorale du scrutin, que de confondre ces deux types de vote ? Si le vote blanc était comptabilisé, il y aurait certainement moins de personnes qui s’abstiendraient de voter ; le dégoût de la vie politique (« tous pourris ! ») pourrait être supplanté par l’espoir que le peuple ait la possibilité d'exercer sa souveraineté sur les dirigeants, en remettant en cause les règles du jeu politique.

Venons-en au cœur du problème : la comptabilisation du vote blanc. Lors d’une élection, les votes blancs sont comptabilisés avec les votes nuls, qui ne sont pas comptés parmi les suffrages exprimés ; ils rejoignent donc directement ceux qui n’ont pas votés, les abstentionnistes. Pour résumer : voter blanc revient à voter nul ou à ne pas voter ; dans tous les cas, le suffrage n’est pas pris en compte dans le résultat final. Pourtant, les intentions des électeurs sont différentes, nous l’avons vu plus haut ! Alors pourquoi regrouper ensemble des personnes qui participent à une action démocratique mais qui refusent de prendre position sur un choix qui ne leur convient pas, des personnes qui ont fait une erreur de manipulation avec le bulletin (et qui, parfois, contestent à leur manière), et des personnes qui auraient un désintérêt total pour la politique ? Cette confusion appelle deux remarques : d’une part vote blanc et abstention sont liés : les électeurs ne votent plus car ils sont dégoûtés de la politique et ont le sentiment de ne rien pouvoir y changer. D’autre part, le fait de ne pas prendre en compte les suffrages blancs est une manière de cacher une vie politique qui ne convient plus à la plupart des citoyens.

Le problème central réside dans la légitimité de celui qui est élu à la fin. D’un point de vue théorique, si le nombre de votes blancs est faible, alors le candidat élu est légitime car une part importante des citoyens a décidé de l’élire lui plutôt qu’un autre. Si, à l’inverse, le nombre de personnes ayant votées blanc est important, cela signifie qu’il y a un refus de prendre position, et donc que le choix à faire ne correspond pas aux attentes du peuple. Le vainqueur de l’élection est dès lors élu par moins de personnes. Cependant, cette « contestation » par l’urne ne se retrouve pas dans les chiffres puisque seuls les suffrages en faveur des candidats sont comptés. Or il s’agit ici d’un grave problème de légitimité. Si les votes blancs étaient pris en compte, on constaterait alors que les pourcentages de voix obtenues par les candidats seraient moins importants.

En quoi la comptabilisation du vote blanc est-elle importante ? Dans un système pseudo-démocratique comme celui de la France, les citoyens doivent avoir le droit de refuser le choix qu’on leur impose, et ce refus devrait être pris en compte lors du scrutin. Si de plus en plus de personnes refusent de voter, ce seront ceux qui votent pour un candidat qui auront le monopole de la décision au final. A chaque élection, l’Etat lance des campagnes pour promouvoir le vote comme un devoir du citoyen. Le droit de vote est un acte civique majeur que l’on ne peut refuser. Nous sommes d’accord : il ne faut pas laisser les autres choisir à notre place. Mais pourquoi ceux qui se déplacent pour voter blanc devrait-il se plier à ceux qui ont choisi un camp ? Refuser de prendre position, c’est refuser les candidats que l’on nous impose, mais ce n’est pas se désintéresser de la vie politique, bien au contraire ; il y a une intention. Si le droit de vote a une histoire chaotique et longue, il se doit encore d’évoluer.

Si le vote blanc venait un jour à obtenir une majorité des voix, le scrutin devrait être invalidé et les campagnes poursuivies. Les candidats devraient dès lors modifier leurs programmes afin de mieux répondre aux citoyens. De nombreuses critiques restent possibles : comptabiliser le vote blanc est-ce vraiment utile, si on estime qu’il n’atteindra jamais la majorité ? Oui, car les électeurs en désaccord seront tout de même compter dans les suffrages, ce qui est, admettons-le, plus démocratique. Le taux d’abstention diminuerait très certainement. Que se passerait-il si le mandat du président en poste arrivait à terme alors qu’un nouveau candidat n’a pas été élu, en raison d’une majorité de vote blanc ? En se basant sur la constitution, on peut supposer que le président du Sénat assurerait l’intérim pendant la vacance de la présidence. Ce qui semble clair et évident, c’est que l’adoption du vote blanc doit nécessairement entraîner une révision sur la manière de compter les voix lors d’une élection. Sinon, Jacques Chirac en 1995, et François Hollande en 2012, auraient été élus sans la majorité absolue. Le chemin est encore sinueux et obscur pour qu’une telle loi soit votée ; en vingt ans, trente textes parlementaires concernant le vote blanc ont été déposés ; un seul a été adopté en 2003, mais il a été interrompu par le Sénat. En novembre 2012, l’Assemblée Nationale a approuvé la reconnaissance du vote blanc ; pas d’affolement ! Le texte concerne simplement la séparation des votes blancs et des votes nuls lors de la comptabilisation. Il n’est pas encore question de prendre en compte le bulletin vierge dans les suffrages exprimés. Les députés prétendent que la prise en compte des votes blancs entrainerait des problèmes politiques et juridiques ; ils veulent surtout éviter de s’embarrasser d’un tel sujet, qui pourrait leur causer du tort aux prochaines élections.

Article rédigé par Séverin SCHNEPP

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